samedi 25 octobre 2014

Chine: Taiyuan - Kunming


Ça y est Constantin a décollé au petit matin. Dure séparation! Il m'a fallut quelques jours pour m'en (Léo) remettre. A plein a-t-il disparu par le sas de contrôle douanier qu'il me manque déjà. Salut petit frère, à la prochaine! Merci pour ta présence, merci d'avoir osé venir à notre rencontre, par les routes, T'adaptant si naturellement à notre mode de vie, notre rythme d'itinérance, gérant calmement toutes les situations inédites que tu as rencontrées pendant ce mois de pédalage. Tu ne t'en rends peut-être pas compte, mais le cadeau que tu m'as (nous) a fait, a une valeur inestimable à nos yeux! Tu seras toujours le bienvenu à nos cotés, sur les routes du Monde!

Prendre le bus en Chine, avec vélos et bagages:

C'est la seconde fois que nous tentons l'expérience. Prendre le bus en Chine avec vélos et bagages, ce n'est qu'une formalité. La première fois, ce fut entre la frontière Mongole et Benjing (Pekin), cette fois ci nous rallierons Chengdu depuis Taiyuan. Certes, il faut trouver la gare-routière ce qui n'est pas toujours une mince affaire. Il est possible d'acheter son billet, à un prix très raisonnable, le jour même, juste avant l'embarquement dans un gros autocar (type voyage organisé) équipé d'une trentaine de couchettes sur trois rangées de deux étages, plutôt confortables. Les bagages, ainsi que les cycles se rangent en soute car la place à l'intérieur du véhicule est limitée. Chaque passager possède sa propre couchette d'environ 60 cm de large et 1.75m de long, un oreiller et des couvertures sont fournis. On est plutôt bien installés et dormons passablement confortablement tout au long du trajet de plus de 1200km qui durera une quinzaine d'heures. Comme lors du premier voyage, l'ambiance à l'intérieur de l'habitacle est plutôt calme et silencieuses, tout le monde est connecté sur son téléphone portable ou regarde les écrans de télé disposés au plafond en grignotant. Nous, on lit. Cette fois, il y a même un WC au fond du bus, mais son utilisation est sportive, il faut s'agripper aux parois pour ne pas glisser, en équilibre sur des toilettes turques surélevées et retenir sa respiration car l'odeur est loin d'être agréable! Un seul arrêt, dans un relais routier sordide, dalle de béton, néons blafards, menu unique en self-service, extirpé de casseroles noircies et cabossées. Cet endroit semble marcher 24h/24. Dans l'entrebâillement des portes de petites chambres nues, attenantes, les lits des travailleurs sont visibles. 10 minutes pour avaler un pitance amère et c'est reparti. En milieu de matinée on atteint Chengdu, et c'est un peu groggy par ce "long" voyage qu'on débarque, rassemblant nos affaires et chargeant nos cycles. 

La route entre Taiyuan et Kunming:

D'abord, s'orienter dans le gigantisme de cette ville... Pas évident! On a une carte, mais puisqu'il faut se diriger plein Sud, direction aéroport, Jean-Da décide de nous orienter à la boussole. Après les pistes du Désert de Gobi, c'est dans un univers tout à fait urbain qu'il fait montre de ses compétences de guide au compas, on en rit!

La route entre Chengdu et Leshan est plutôt plate, fréquentée et humide. il ne cessera pas de pleuvoir jusqu'à ce qu'on atteigne la ville du Bouddha Géant! Les cités de moyenne importance se succèdent le long d'une large route, comme des champignons gris, de béton. Centres urbain qui détonnent sur le tracé de ce grand axe dont toute la  longueur est peuplée. S'étendent le long de la route les maisons individuelles des habitants plus modestes de la Chine. Quelques clins d'oeil campagnards tels des vaches attachées à des arbres, des tracteurs déglingués, des ânes tirant des charrettes... et des poules, des tas de poules jusqu'à Kunming. Étrange, alors que lors de notre premier passage en Chine, ces animaux étaient totalement absents du décor!? La végétation aussi a changé, on la croit plus luxuriante que dans le Nord et des tas de bosquets de bamboo géants poussent aléatoirement un peu partout. Tout est très humide et brumeux, et le ciel reste gris, alors nous sommes contents d'arriver à Leshan et de nous installer dans une des minuscules chambres d'un petite hôtel sympathique faisant face à l'une des trois rivières qui confluent ici, à l'endroit exacte où est taillé dans la roche de la falaise, la plus grande statue de Bouddha assis sur la planète.

Campement a l'abrit de la pluie


Après Leshan, l'itinéraire se corse, une longue  étape de montagne nous attend. Et le lendemain du départ, nous suons déjà dans les montées au travers d'un paysage fait de moyennes collines très abruptes et peu large. La chaussée est plutôt bonne est on avance à une allure raisonnable entre les villages éparpillés sur le parcours. Une veille femme édentée, décharnée et voûtée sous le poids de l'âge nous explique très posément comment nous servir de l'eau au robinet devant la maison familiale. Deux cosmonautes, casqués, gantés, avec des geules de blanc-bec ne semblent pas l'impressionner: "Désolé je n'entend pas bien". "Je ne parle pas chinois, alors ça ne fait rien, merci pour l'eau, au revoir!". Une autre paysanne, tout aussi édentée, rapportant du champ sa récolte journalière de fruits étranges viendra me poser une main amicale sur l'épaule au campement du soir : "J'habite juste là, si vous avez un problème venez chez moi". Ah, l'air des montagnes. C'est reposant ce contexte, tellement plus relaxant que l'agitation des villes. Je me sens toujours bien dans ces endroits un peu éloignés de la masse grouillante, plus vrais, plus proche de ce qui fait de nous des Hommes, des humains!

Pont suspendu 


On serpente au grès de la route entre ces fameuses collines à pic, ce qui engendre passablement de petits cols à franchir. Ils mangent notre énergie et nos repas sont copieux! Les espaces plus ou moins planes sont cultivés de maïs. Le jours suivant, on dépasse déjà la ville de Eiban (et oui, monter, ça signifie aussi descendre à un moment ou à un autre, hé, hé!), mais surprise, impossible d'aller plus loin. Un gros panneau à l'entre du tunnel indique "foreigners without special autorisation are forbiten to pass". Un ingénieur avenant du chantier tout proche, nous explique qu'il s'agit d'une zone militaire, sur 20 kilomètres jusqu'à la prochaine ville, nous ne sommes pas libres de circuler. Que faire? Prendre le train jusqu'à Jinkoue, essayer le bus? Accepterons-ils de nous charger sans autorisation spéciale? Après une nuit de réflexion, on décide de tenter une petite route de traverse qui descend droit au Sud et devrait rejoindre l'itinéraire que nous nous étions fixés. Le marché grouillant de Eiban, nous fournis en provisions pour cette escapade menant à un col à 3200m d'altitude. Deux jours seront nécessaires pour l'atteindre. D'abord en suivant une gorge assez évasée d'où dégringolent des cascades gigantesques (ainsi que des pierres dont l'une passe à une dread locks de mon casque, ouf!) et puis dans une vallée plus large mais fermée par des pans raides, couverts d'une végétation luxuriante. Les villages à flanc de coteau sont autant de taches de vie dans cet univers vert et autrement inhabités. Partout où c'est possible, on cultive le maïs, puis, on le fait sécher devant les maisons, sur la route, partout ou se trouve une surface plate et sèche. Ensuite, on l'attache en de jolies guirlandes aux poutraisons des toits, elles mêmes décorées de symboliques tètes de vaches cornues très colorées. Les habitants de cette régions sont clairement d'une ethnie minoritaire. Les femmes portent sur la tète une pièce de velours noir autour de laquelle, elles enroulent leur longues tresses, et des jupes plissées toujours striées de trois large bandes de couleur différente de haut en bas. Ces agriculteurs en sont pas riches et vivent clairement de leur récolte, ils élèvent des cochons énormes et hurlants, des chèvres gourmandes, ainsi que des coqs dodus qui se vendent très bien au marché en ville, Les chevaux sont utilisés pour le portage sur les chemins muletiers trop abruptes pour leur moto. Les visages sont beaux, tannés de la vie à l'extérieur, les mains sont ridées du travail aux champs, l'atmosphère est sereine et bienveillante.

Les enomes grappe de mais sechant au soleil



Terre, cailloux et boue, vive la montagne


Les derniers kilomètres se franchissent dans une foret dense, sur une route de plus en plus défoncées par le passage des véhicules, les pluies et autres glissements de terrain. La vue depuis le sommet est imprenable. C'est peut-être seulement en se retournant sur le sillons laissé au milieu des montagnes par la cours d'eau que nous avons suivi jusqu'ici, qu'on réalise tout le chemin parcourus. On se sent fiers et heureux sur cette hauteur, ce col, comme si en donnant de notre effort, nous avions gagné un peu de liberté!

3.200 metres, enfin le sommet du col


Autre versant, autre décors, si le nord était 'alpin", le sud est "tropical", foret de bamboo, air plus sec, route toujours défoncée. Une bande d'enfants nous saluent, nous arrêtent pour nous offrir quelques petites baies rouges fraîchement cueillies sur des arbres. Ce geste nous touche profondément. En Chine, les cadeaux sont plutôt rares et celui-ci est offert avec une telle spontanéité, un tel plaisir de donner que nous en sommes déconcertés. Pour les remercier, nous leur partageons les chewing-gums laissés par Constantin, ce qui nous vaut une ribambelle de "Chie-Chie" et même un câlin!


Un accueil chaleureux!
L'ambiance de ce coté-ci du col est étrange, agitée, électrique. Nous ressentons une mystérieuse animosité alors que nous traversons plusieurs villages grouillant d'enfants, de poules, de chiens, d'oies, de cochons... Des groupes sont assis aux abord des demeures et boivent de la bière au goulot, beaucoup semblent saouls. Le soir venu sous la tente, quelqu'un nous éclairera longtemps avec une torche depuis l'autre cote de la rivière,nous ne sommes pas tranquilles. Que se passe-t-il ici? Est ce simplement un symptôme de la Fête Nationale qui se déroule en ce moment, ou l'alcool et cette atmosphère ambiguë est-elle permanente en ces lieux?

Les cornes des vaches décoratives des poutraisons sont ici tournées perpendiculairement aux murs. Les femmes ne portent plus de velours mais, comme au Népal, des châles qu'elles nouent en chapeau sur leur tête. Les hommes sont vêtus d'un grand manteau en feutrine qui leur descendent jusqu'à mi-cuisses et qui se ferment en cache-coeur sur le devant (un peu comme sur les plateaux tibétophones). Des crépitements continus de pétards retentissent dans la foret, aux abords des villages. On croise des procession en habits traditionnels "du dimanche"', c'est la fête! La descente du cours d'eau pourtant longues de plus de 80 kilomètres, s'effectue rapidement. Des enfants jouent sur la chaussée, décident de courir avec nous sur quelques kilomètres, pied nus, puis: "bye-bye!". Deux groupes de pré-adolescents s'arrêtent autour de notre délicieux souper de pâtes aux champignons à la crème (nouilles chinoises et lait en poudre...). Munis d'une petite pioche, ils arpentent chaque jours la montagne, à la recherche de pierres précieuses que furtivement, ils nous dévoilent. De la jade sans doute.

Vallee abrute, terrain plat rare


Le marche de Zahojue

Ça monte sec au creux d'une gorge serrée, puis on débouche étonnés dans une haute plaine en rizières. L'atmosphère c'est détendue. Ici, l'on est au travail, tout le monde au champ! Un petit col nous séparent de la ville de Zahojue. C'est un centre du commerce de la région et le marché occupe toutes les rues du centre ville. Bien qu'extrêmement bruyant et grouillant de monde, c'est un régal pour les yeux, le nez et les papilles gustatives. Tous les campagnards en visite à la ville, dévorent à tous de bras, des glaces! C'est vivant, joyeux!!! Des centaines de triporteurs chargés de fruits et de légumes multicolores, des stands de toffu, saucisses, mais surtout de pommes de terres, grillés, en veut tu en voilà (la spécialité du coin)! Des montagnes d'oeufs, de la viande suspendues à de gros crochets de boucher, un bazar aux tissus.... Des visages ridés par le climat et leur vie de paysans, de beaux sourires édentés, des vêtements traditionnels colorés, les femmes portant des hottes en bamboo et plein, plein, plein d'enfants (la politique de l'enfant unique ne s'applique pas ici ou est purement et simplement ignorée). Il n'est pas rare de croiser une famille, les adultes portant chacun un bébé sur le dos et donnant la main à deux autres petits. Les plus grands des enfants, transportant eux-mêmes, à l'aide de l'un de ces tissus brodés qu'on noue autour de soi grâce à deux solides cordons, un autre bambin! Le soir même, deux petits garçons passerons leur temps libre autour de la tente, regardant attentivement nos agissements, les commentant entre eux, cherchant comprendre le fonctionnement de chaque chose, nous souriants gentiment, nous informant sur la météo, nous montrant moult petites choses de leur terrain de jeu habituel... Un moment d'une grande simplicité, emprunte d'énormément de tendresse!

Le marche de Zahojue


Specialite regionnale, MIAM!


Deux copains d'un soir!

Ça monte toujours et il semble que cela ne finira jamais!!! Pendant deux jours, à chaque fois qu'on aura le sentiment d'être parvenu au sommet de ce satané col, un nouvelle montée se présente au prochain tournant. A plusieurs reprises le terrain s'aplani, une vallée s'ouvre et puis, la monte reprend, comme si on montait toujours d'encore un étage! ici l'air est pure, les activités de la vie quotidienne rythmées par les réalités de la nature (la lumière du soleil, les saisons, les naissances des bêtes, les récoltes, les intempéries...). Une image m'a particulièrement marquée: celle de ce couple labourant ensemble leur champs. L'homme pousse la charrue, la femme guide la vache à l'aide d'une corde. Une ligne, demi-tour, un ligne, demi-tour, sans empressement, avec application, sans éclat, avec sagesse. Le veau suit sa mère, une fois à gauche, un fois à droite. Et la femme, porte sur son dos le bébé qu'elle a certainement mis au monde dans l'année. Simple, banal, juste la vie, le champs sera labouré, les graines seront plantées, la nature fera son office et les fruits seront récoltés! Nous renouons avec la générosité des campagnes. D'abord, il y a les bonjours échangés, les indications sur l'itinéraire qui sont données simplement, même sans parler un langage commun et puis il y a les moments qu'on veut partager sans attente, juste pour le plaisir d'être ensemble. Ces hommes par exemple qui insistent pour offrir à Jean-Da quelques tournée d'alcool fort, ces cigarettes qu'on nous tend presque à chacun de nos arrêts et qu'on nous allume pour combler les 5 minutes de silence passées ensemble.


Vie de village

Quel plaisir la Montagne!


Enfin le col! 3200m, soulagement, on commençait à désespérer. Les routes ont été vraiment mauvaises, pleines de boue, de trous et de bosses, de glissements de terrain... Celles qui descend en lacets serres vers Langshang n'est pas beaucoup meilleure. On avance comme des bolides à travers une foret de pins, passons une dernière soirée sous tente avant un petit arrêt en ville, sur le chantier d'un entrepôt de fruits. La famille qui nous accueille est dotée d'une gentillesse déconcertante. Elle nous fournira des pommes de terres pour plusieurs jours et s'assurera le lendemain matin, que nous ne partirons pas le ventre vide. Merci!

Langshang se situe dans un trous, c'est certain! Car à peine avons-nous contourné les rives du lac que nous voila déjà confrontés à de puissants "up-hills". Comme à chaque fois, le changement de décor est brutal! Les haut buildings et de béton de la ville, laissent très vite place à de petites maisonnettes campagnardes. Les animaux de la ferme batifolent un peu partout et la végétation a repris ses droits, la route est en chantier sur plusieurs tronçons et le goudrons y est très fréquemment en mauvais état. Comme à la descente, nous évoluons dans un forte de pins, allant de virage en épingle en virage en épingle, jusqu'à un col situé à environ 2'200m d'altitude. Ce jour là nous battons notre record de dénivelé parcouru avec 1215m au compteur. Youhouhou!

Montagne rurale, vegetation luxuriante


Enfin de la descente, en suivant le lit d'une grosse rivière aux tons caramel. Il faut toutefois être prudent, la chaussée est glissante. Non seulement le temps est humide mais les camions sont équipés de buses qui giclent en permanence leur essieux pour éviter qu'ils ne surchauffent. De longues flaques de boue stagnent aux endroits les plus bas près des berges. Il fait aussi extrêmement chaud et quand le soleil perse, on pourrait se croire de retour dans la mousson indienne! Alors de notre pause de midi, nous l'avons échappée belle. Un camion arrive à notre hauteur alors que nous sommes assis sur le bord de la route, une épaisse fumée grise s'en échappe, ce qui ne semble pas inquiéter outre mesure le conducteur qui s'obstine à appuyer sur l'accélérateur. Il vrombit mais n'avance qu'au pas. Le regard attiré par ce spectacle, Jean-Da remarque des flammes sous le capot du moteur, fait signe au chauffeur, il faut qu'il s'arrête, il continue. D'un bon, nous nous levons et partons en courant, BOUM! Heureusement rien n'explose vraiment, mais on a eu peur!

Le jour suivant, une surprise nous attend, la route qui mène à Ningnan se départit de la rivière et escalade à travers la foret pour rejoindre la ville. Alors que nous suivons toujours la pente descendante de la rivière nous voila en sueur, dans l'ascension d'un col à près de 1900m d'altitude, on y passera la moiter de l'après-midi! La ville est surprenante, une cite de buildings flambant neufs, de larges avenues et tout le modernisme associé, posé là au milieu des montagnes si campagnardes. Pour nous ces cités, n'ont ni queue ni tète! Qui peut bien être à la base de cette idée saugrenue de construire ici, de tout pièce, une ville moderne, sans passé, sans histoire, sans encrage géographique (rivière, mines, plateau...)... sans âme? Quel contrastes avec ces corps de fermes isolés, aux grands murs blancs décorés de fines calligraphie représentant des bamboo, des tiges de roseaux ou des gerbes de fleurs, aux toit de tuiles anciennes, aux balconnets de bois vermoulus ou reposent de grosses courges, entourés de potages et de quelques champs de maïs dont les épis sont transportés à dos d'hommes vers le cours des bâtiments, dans de grosses hottes tissées en bamboo. Ici on semble vivre comme "au Moyen Âge" dira Jean Da. Le soir, nous campons au bord de l'eau que nous avons finalement retrouvé après une raide descente. Le coin est magnifique, presque exotique avec ses bananiers qui poussent ici comme de la mauvaise herbe, de petits stand au bord de la route vendent les régimes murs.

Campement pres des bananiers


On roule dans des champs d'arbres inconnus depuis des kilomètres maintenant. Ils poussent sur tous les terrains, dans toutes les pentes, attachés au sol par leur robustes racines semblable à un pied de vigne. Un court tronc tortueux, plus des branches fines élancées sur 2 ou 3 mètres. Les agriculteurs en arrachent les feuilles qu'ils fourrent dans de vieux sacs de riz pour les charger ensuite sur leur moto ou à dos d'âne. En fait-on de l'alcool, de l'huile? Cela restera un mystère pour nous. On quitte notre rivière caramel qui se jette ici dans la Jinsha au ton plus grisâtre. Nous allons remonter son cours pendant deux jours. Et encore une montée pour atteindre la ville de Qiaojia.

Je n'aime pas ces entrées en ville, le bord de route ressemble à une déchéterie, les garages mécaniques déversent leur huile noirâtre dans les caniveaux remplis de plastiques. Tout semble sale, pouilleux, poussiéreux, laid. Trois jeunes filles pourtant égaient l'atmosphère. Heureuses de faire notre connaissance, elles souhaitent nous photographier, nous poser quelques questions sur ce que nous fabriquons ici. Plus débrouillardes que beaucoup d'adultes, elles utilisent un programme de traduction sur leur téléphone portable pour communiquer avec nous pendant le repas pris en leur chaleureuse compagnie dans la petite cantine qu'elles nous ont judicieusement indiquée. Trois charmantes adolescentes qui font mine de beaucoup d'entrain, de curiosité, d'enthousiasme et de bon sens à notre égard, quand les chinois en général, sont plus frileux. Merci les filles pour nous avoir aidé à acheter une belle pèlerine de pluie!

Nos Trois Droles de Dames a Qiaojia

Une journée entière de montées de de descentes suivant l'amont de la rivière grise. Nous devenons anxieux, l'une de nos carte indique une route qui suit, pointant droit vers le Sud, un affluant de la Jinsha. Cette information n'apparaît pas sur la seconde carte que l'on transporte avec nous, ce qui signifie qu'un "détour" de plus de 100 kilomètres, fait de multiples cols et déviant vers l'Est, serait nécessaire pour rallier les grands axes qui mènent à Kunming. On s'arrête dans une sorte de petit garage de béton nu, c'est une échoppe dans laquelle on espère trouver des pains vapeur... Rien, mais des informations précieuses. La famille présente ici, comprend facilement nos demandes sur l'itinéraire. Et par geste, nous explique très clairement, qu'il faut prendre le pont, puis tourner à droite, cette route existe bel et bien! C'est effarant! Il semble que moins nous ayons de langage commun, plus l'on se comprend, les campagnards de cette région ont un sens commun incroyable! Nous voila donc repartis pour deux jours et demi de montée, suivant un nouveau cours d'eau. Le bas de l'étroite vallée est vert des cultures, tandis que ses flancs plus abruptes sont broutés par d'abondants troupeau de chèvres. Le temps est toujours aussi humide et les nappes de brouillard forment un ciel de plomb cachant le haut des sommets de montagnes qui nous enserrent. Ici, on cultive des fruits exotiques, fushias, portant quelques écailles. La chaire intérieure est blanche piquetée de minuscules grains noir.

Ça y est! Au col on rejoint finalement le grand axe tant attendu. La descente n'est pourtant pas le régal qu'on avait  imaginé, la route est encombrée de camions et de véhicules rapides, on rencontre des tunnels et il se met à pleuvoir. Ma nouvelle pèlerine flape au vent et me déséquilibre. Pourquoi les super-héros s'entêtent-ils à porter une cape, s'est tout sauf pratique! On fuit donc cette route de voies rapides pour instantanément nous retrouver télétransportés dans un autre monde. Jean-Da dit que la Chine est une machine à voyager dans le temps, au modernisme des larges routes, s'oppose l'ambiance tout à fait campagnarde autour des villages qui vivent au rythme de la culture des champs, reliés entre eux par des routes non goudronnées. Les charrettes tirées par les ânes ont remplacé les voitures luxueuses, cela nous questionne. En fin d'après-midi, nous serons invités à nous asseoir autour d'un petit brasier dans la cours d'une maison par une famille nous offrant de l'eau. Tout le monde est affairé à fabriquer ces fameuses guirlandes d'épis de  maïs afin de les entreposer pour la conservation. Les épis défectueux, sont directement grillés et nous en avalons quantité avant de nous installer dans un champs à proximité pour camper, alors que retentis l'appelle de la Mosquée. Un peu plus tard, un homme portant la petite toque blanche musulmane, nous apportera du thé chaud et un bout de "foie gras" aux piment pour notre souper. Il s'inquiète de notre confort, s'assure que nous avons tout ce qu'il nous faut avant de nous laisser à notre nuit. Ces gestes de gentillesse à notre égard, ne cessent de nous combler, nous sommes tellement chanceux de vivre d'Humanité au quotidien! Comment l'exprimer, comment la transmettre? Comment dire à quel point cela nous touche? Nous essayons de l'emmagasiner, afin de ne jamais l'oublier et l'offrir à notre tour, la chaîne ne doit pas être rompue!

Toujours et encore le sechage du mais au mur des habitations


Les deux derniers jours de pédalage sont difficiles. Mes batteries sont à plat après tant d'étapes de montagnes. Depuis que nous avons quitté Chengdu, il a plut toutes les nuits, à l'exception d'une ou deux. La tente ressemble à un treillis de camouflage bariolé de boue. Nos vêtements sont extrêmement sales et toujours humides. Le mental peine à combler, cette fois ci, la fatigue physique. Les 150 derniers kilomètres avant d'atteindre Kunmin ont été affreux. On pourrait penser que plus on se rapproche des centres urbains, plus la qualité des routes devrait s'améliorer. Et bien non, elle s'empirait! Des petites routes de campagnes pleines de tous et de bosses, des tronçons pas même goudronnés, aucun panneaux indicateur, un campement au milieu de serres de culture intensive de légumes car aucun autre endroit n'est accessible, des poids-lourds, des travaux tous les 3 km, de la poussière, des routes à plus de 6 voies, parfaites, au goudron lisse qui finissent en cul-de-sac et il faut rebrousser chemin (mais pourquoi ils les construisent alors?). Et puis des détours, des collines à franchir, alors qu'on s'attendait à de la descente, des locaux qui lisent la carte en chinois à l'envers (!). Et enfin, le trafic intense de la cité, la pollution, le bruit, les méandres de la ville dans lesquels il faut s'orienter après plus de 80 kilomètres d'effort. La piste cyclable est encombrée des roulottes des marchands ambulants, des scooters qui roulent à contre sens, des piétons qui n'arrivent pas à avancer dans la foule compacte du trottoir, de voitures parquées la pour une raison indéterminée... Ah! Que la Montagne  Est Belle!

Visite au Bouddha Géant de Leshan (Dafo):


Jean-Da est excité comme une puce, la visite du Grand Bouddha de Leshan (Dafo) le passionnera et nous passerons la journée complète à parcourir l'immense parc planté de foret de jungle sauvage, au creux duquel est cachées une statue monumentale de Bouddha. Elle est taillée dans la falaise du mont Lingyun. Le Bouddha assis de plus de 70 mètres de hauteur fait face à la confluence de trois rivières: Dadu he, Qingyi jiang et Minjiang. La légende veut que cet édifice ait été bâti là afin de protéger les marins empruntant le périlleux confluent des trois rivières. Et il semblerait que cela ait marché. Lors de la construction, les minéraux  extraits de la falaise auraient été rejetés dans le lit du fleuve ce qui aurait eu pour effet de limiter des remouds et dévier les rapides, L'endroit est aujourd'hui plus propices à la navigation. Quelques nageurs fous d'ailleurs s'y jettent, parfois sans bouée de sauvetage, pour se laisser glisser le long du courant avant de nager de toutes leur forces pour rejoindre la berge. Un sport local!


Leshan: Bouddha Geant de Dafo

Depuis la destruction en 2001 des Bouddha de  Bamiyan, en Afghanistan, le Bouddha Géant de Dafo est la plus haute représentation de Siddhārtha Gautama au monde. Et Leshan serait l'un des premier site  le bouddhiste aurait été pratiqué en Chine. L'envergure du site,inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en 1996, devrait attiser la dévotion. Cependant, c'est la religion de la consommation qui a cours ici. Par cars entier les touriste nationaux débarquent suivant le petit drapeau de leur guide. On se bouscule, se pousse pour prendre le cliche souvenir avec les 17 mètres de la tète de la statue géante. Et puis, on accours vers les stands de boissons fraîches, de glaces et autre agapes. Nous, on fuit toute cette agitation, dépassons un "village de pécheurs" reconstitué et travesti en attrape-touristes, enjambons un superbe pont tout en arches et en toitures ouvragées et allons nous promener du coté d'un temple peu fréquenté. C'est l'heure de la prière, l'endroit est serein, on s'y sent plus relaxes.


Leshan: Pont dans le parc du Bouddha geant de Dafo


C'est là que nous faisons la connaissance d'Iwona et Chris. Eux, tour de pédale après tour de pédale, ont mis 3 mois pour atteindre la Chine depuis leur Pologne natale, en passant par la Russie! Chapeau bas! Bon moment de partage avec des frère-soeur voyageurs!

Nous profitons de notre séjour à Leshan pour fréquenter les restaurant, nous promener au bord de l'eau et déambuler dans les rues des petites commerces, c'est bien plus intéressant que les grands surfaces. Après quelques jours seulement nous avons nos habitudes et le vendeur de soupe de pâtes du coin de la rue, nous prépare nos bols sans que nous ayons besoin de commander, la boulangère connaît nos goûts en matière de pain fourrés à la pâte de figue et voila qu'on sympathise déjà avec les autres clients de la guinguette qui sert des plat de riz avec toutes sortes d'accompagnements délicieux! Cette ville est étrange, elle prend des airs de petits villages. une atmosphère paisible y règne, tout le monde est serviable, personne ne nous dévisage, les tables de dominaux sont prises d'assaut tous les après-midi par des buveurs de thé sous les gros peupliers des berges de la rivière. De petits groupes, hommes et femmes, jeunes et vieux, y pratiques spontanément des pas de danse au sont d'une radios, apportée par l'un de participant. Sieste et promenade au bord de l'eau, ce quartier a des airs de Dolce Vita!

Leshan: sympathique ambiance dans les gargottes!


Un arrêt brutal:

Après le passage en moins d'une semaine de deux cols à plus de 3000 mètres (5 jours d'ascension), Jean-Da se sent très fatigué. Il propose un arrêt d'une journée dans la ville de Liangshang pour récupérer. C'est là que tout éclate, sa fatigue n'est pas seulement due à l'effort, mais à la lassitude aussi. La lassitude de notre promicuité si intense, de nos désaccords, nos divergences de fonctionnements, nos incompréhensions, nos chamailleries permanentes... J'en suis consciente également, tout ceci rend le voyage inconfortable, terne, perd de son sens. Tout ceci gâche notre quotidien. De longues discussions nous permettent de verbaliser à quel point la complicité s'est fanée, la présence de l'autre se transforme en fardeau, être ensemble devient synonyme d'animosité, on cherche à fuir et on décoit en permanence les  attentes réciproques, et on a finit par ensevelir notre attachement sous une pilles de détritus, de rancoeurs, d'amertume.

Ça n'est pas nouveau et chacun de nous a sans doute essaye de son mieux de raccommoder les choses. Un constat s'impose, c'est impossible. Un point de non-retour a été atteint. Aussi, nous avons le regret de vous annoncer notre rupture. Jean-Da et Leo ne forment désormais plus un couple.

Nous avons longtemps réfléchit à comment agir en conséquence de cette réalité. Pour l'instant, nous avons décidé de rester des compagnons de route, tout en nous laissant la porte ouverte à l'éventualité de prendre, en fonction de comment se déroule le quotidien, de nos capacités à mettre en pratique ce nouveau statut relationnel, et des opportunités qui s'offriront à chacun de nous, des itinéraires différents et de poursuivre l'aventure chacun de notre coté.

Dans l'immédiat, notre projet reste commun. Nous avons pris cette décision de manière raisonnée, aussi parce que  nous nous sommes rendus compte que nous craignons un peu de voyager seuls, et puis nous nous considérons tendrement comme "meilleur partenaire possible l'un pour l'autre". 

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